Plus de quatre salariés français sur dix déclarent être en « détresse psychologique », selon un baromètrepublié en juin 2022, du cabinet Empreinte Humaine spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux. Les femmes, les jeunes et les managers seraient les plus touchés. Pour accompagner ces salariés, il y a les psychologues du travail. Focus sur cette profession encore trop méconnue par les travailleurs.
Psychologue du travail pour le cabinet TINGARI, Danièle Marty a accompagné les actifs en tant que conseillère en évolution professionnelle (Mon CEP) pendant 1 an avant d’être référente en Île-de-France du Parcours emploi santé (PES) qui a pour objectif d'accompagner des demandeurs d'emploi confrontés à des problèmes de santé impactant leurs projets et démarches professionnels. Elle nous explique son métier, les signes devant alerter chacun sur sa situation et l’importance de cette profession pour épauler les travailleurs.
Danièle Marty : Nous sommes d’abord là pour écouter. Nous connaissons bien le fonctionnement des entreprises, alors nous faisons le point sur la situation professionnelle du salarié, ses compétences et ses attentes pour verbaliser les difficultés et trouver des solutions. Ainsi, nous pouvons par exemple aider les salariés à retrouver du sens dans leur métier, à prendre du recul pour faire des choix éclairés, mais aussi à trouver un juste équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Contrairement à des psychologues cliniciens, nous ne pratiquons pas de thérapie.
D.M. : Alors que le psychologue clinicien se concentrera sur la sphère personnelle, le psychologue du travail s’intéressera avant tout à l’environnement professionnel. Les difficultés personnelles peuvent être abordées, mais elles ne sont pas prioritaires. Elles viennent se combiner avec un ensemble de facteurs déterminants sur le contexte dans lequel le salarié se situe et la manière dont il perçoit ses différents environnements (professionnel, relationnel, hiérarchique, etc.). Dans une vie, le temps passé au travail est considérable et il peut avoir des impacts importants sur la santé mentale et physique de chacun. Nous constatons, en effet, que le fait de renouer avec un cadre bienveillant au travail et de la confiance en soi permet aussi de se sentir mieux dans la vie de tous les jours.
« Le mal-être au travail prend des formes différentes et a été accentué par la crise sanitaire.
Danièle Marty, Référente du Parcours Emploi Santé (PES) en Île-de-France
D.M. : Questionnement existentiel, stress, dépression, burn-out… Le mal-être au travail prend des formes différentes et a été accentué par la crise sanitaire. Je suis psychologue du travail depuis plus de 25 ans (15 ans en tant que psychologue du travail et 10 ans dans le champ social) et la situation actuelle est inédite. Pour certaines personnes, le quotidien professionnel devient insupportable et cela se ressent sur leur santé au travail.
D.M. : « Tous les lundis matin, j’ai une boule au ventre », « je pense toujours au travail et j’en fais des insomnies », « j’en ai plein le dos de ce poste » : ce sont des signes à prendre en compte. Pourtant, de nombreuses personnes, et encore plus depuis la pandémie, ressentent ces troubles sans consulter de psychologue du travail. Cela peut, à terme, mettre leur santé mentale et physique en danger. Notre mission est de décoder ces signaux, puis de comprendre les maux pour guérir par les mots.
D.M. : Dans le cas d’un burn-out, notre accompagnement est particulièrement utile. Nous savons qu’il est généralement bénéfique de ne pas reprendre le même poste. En tant que psychologue du travail, nous conseillons les salariés pour les aider à se sentir mieux. Et nous pouvons faire le lien avec Mon Conseil en évolution professionnelle (Mon CEP) s’ils envisagent de se tourner vers un nouveau projet professionnel. Il ne faut pas précipiter un retour à l’emploi trop rapidement sans avoir au préalable dénoué « les nœuds ». Il est question ici de comprendre quels ont été les premiers signes de burn out mais également de remettre de la compréhension à ce qui s’est produit au travail. À quel moment le corps est venu dévoiler ce que les mots n’avaient pas exprimés. Par exemple, douleur d’estomac, migraine, eczéma qui conduisent le salarié à consulter un médecin ou prendre des médicaments alors que le corps vient ici exprimer une détresse psychologique liée au travail, mais non verbalisée : « les mots n’ayant pas été exprimés, cela peut se transformer en maux réels et ressentis ».
Le chemin vers la connaissance de soi et du sens au travail a pris plus d’ampleur aujourd’hui avec la crise sanitaire et le salarié de façon générale a besoin de comprendre pourquoi il prend telle ou telle autre direction au travail pour que cela fasse sens pour lui.
D.M. : Oui, la crise sanitaire a amené les salariés à se repositionner. Pour la majorité d’entre eux, le passage au télétravail s’est fait du jour au lendemain, sans préparation, et a généré une certaine sursollicitation pendant les périodes de confinement. Certains salariés ont eu, et ont encore, une prise de conscience. Ils n’acceptent plus «l’inacceptable », notamment dans les relations au travail. J’entends souvent dire : « j’ai l’impression d’avoir eu un voile devant les yeux pendant des années, car ce travail ne me correspond pas du tout ». Face à cette situation, la démission est un passage à l’action alors que la multiplication des cas de burn-out est sa face sombre. Les dégâts de la crise sanitaire sont encore très importants. Certains avaient tenu bon jusqu’à présent et « craquent » maintenant.
Ce mouvement massif a débuté aux États-Unis avec la pandémie.Il se traduit par une forte augmentation des démissions. C’est un retournement des rapports de force entre les salariés et les entreprises.
D.M. : Lorsque l’on ressent du mal-être et/ou de la démotivation, plusieurs chemins se présentent pour bénéficier d’une écoute neutre et bienveillante. Certaines entreprises disposent d’un psychologue du travail en interne avec lequel les salariés peuvent entrer directement en contact.
Si ce n’est pas le cas ou si l’on souhaite passer par une autre voie, Mon CEP (Mon Conseil en évolution professionnelle) peut orienter le salarié vers un psychologue du travail pour faire face à des difficultés professionnelles. Dans ce cas-là, l’entretien initial dure environ 1 h 30. Il est suivi par 3 à 4 entretiens complémentaires d’environ 1 h chacun. Ils sont tous pris en charge dans le cadre de l’accompagnement de Mon CEP, et la démarche est strictement confidentielle.
Les salariés peuvent aussi se tourner vers la médecine du travail qui leur donnera le contact d’un psychologue du travail, en interne ou non. Le cadre de l’accompagnement est toujours individualisé et dépend donc de la situation de la personne. On peut, en effet, consulter en tant que salarié via Mon CEP, ou en tant que demandeur d’emploi avec le Parcours Emploi Santé (PES) de Pôle Emploi.
Partager cet article